Autorégulation de la publicité : au risque du puritanisme.
Commentaire de la décision du Jury de déontologie de la publicité du 16 janvier 2013, Allo Resto.

Marc Le Roy
Docteur en droit
Chargé de cours à l’Université de Tours
www.droitducinema.fr

 
La publicité sous tous supports semble saisie par une vague de puritanisme inquiétante et peu lisible. D’un côté,  il semble de plus en plus commun de voir à la télévision des publicités comportant des femmes de moins en moins habillées pour vendre des yogourts ou des plats surgelés et, de l’autre,  le Jury de déontologie de la publicité commence à prendre l’habitude d’interdire des publicités parodiques portant, selon lui, atteinte à la dignité de la femme. On peut également citer les actions récentes de la RATP visant à refuser des campagnes d’affichage au nom des bonnes mœurs. Au final, la régulation de la publicité laisse apparaître une ligne directrice à plusieurs vitesses souvent critiquable en raison d’un puritanisme peu justifié.
Le site de livraison à domicile Alloresto.fr vient de subir les conséquences de cette régulation en se voyant interdire une série de publicités diffusées sur les sites de vidéos en ligne. Un particulier (la décision du Jury de déontologie de la publicité (ci-après JDP)  n’en dit pas plus…) a saisi le JDP afin que ce dernier fasse cesser la diffusion d’une des deux publicités mises en ligne par le site Alloresto.fr. L’objet du litige est une publicité parodique centrée sur l’actrice de films pornographiques Katsuni. Cette dernière explique face caméra qu’elle travaille beaucoup et qu’elle a exercé « un peu tous les métiers ». S’en suit une série de trois scénettes, recréant l’ambiance des films pornographiques des années 70 et 80, où l’actrice exerce successivement les métiers de secrétaire, « soubrette » et médecin. Dans ces trois scènes assez drôles l’actrice se voit demander de « faire un point sur les liquidités de l’entreprise » pour son supérieur qui s’avère être un homme que l’on devine entreprenant ; de dépoussiérer une bibliothèque par un employeur masculin qui admire l’actrice perchée sur un escabeau et enfin de retourner voir en urgence un patient qui « présente une rigidité suspecte à l’aine »… Au terme de ces trois scénettes, l’actrice explique qu’après de telles journées, elle se réserve le droit de dire « stop pas ce soir ! » lorsqu’il s’agit de…cuisiner. Dans cette situation, il lui est alors possible de commander en ligne via le site internet Alloresto.fr.
Suite à la « plainte » déposée par un particulier, le JDP a considéré dans une décision du 16 janvier 2013 que « cette publicité propage une image de la femme portant atteinte à sa dignité et à la décence et la réduisant à la fonction d’objet. Elle présente en outre pour partie des situations de domination et d’exploitation d’une personne par une autre de manière complaisante ». Le JDP a alors saisi le directeur général de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) afin que ce dernier fasse cesser la diffusion de cette publicité.
Le JDP n’est pas à son coup d’essai et s’était déjà illustré en la matière un an auparavant dans une décision de même nature rendue au sujet d’affiches du film Les infidèles avec Jean Dujardin.
La décision relative à la publicité du site internet Alloresto.fr nous semble critiquable pour diverses raisons. Dans un premier temps, les fondements évoqués par le JDP (dignité de la femme, réification de la femme, exploitation, domination…) nous semble en décalage complet avec la réalité de la publicité visée (I). Cette absence de mesure met, dans un second temps, en lumière l’absence totale de garantie procédurale offerte par le JDP lors de son travail de régulation (II). Au final, cette affaire laisse apparaître un déséquilibre inquiétant entre la portée (économique, symbolique) des décisions et l’organisation juridique de cette régulation par le JDP qui, précisons-le, n’est qu’une simple association.

La suite dans le numéro du Lamy Droit de l'immatériel d'avril 2013

- La décision du Jury de déontologie de la publicité

Marc Le Roy

Docteur en droit

droitducinema.fr

 

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